lundi 4 avril 2016

Avec l'expérience vient l'exigeance

Salut!

Neveu va bientôt avoir sept ans (DÉJÀ!!!!!!!) et depuis quelques mois, il a commencé l'école.  En bonne tante consciencieuse et ancienne libraire, vous pouvez être certain qu'il baigne dans les livres depuis sa plus tendre enfance.  Maintenant qu'il commence à savoir lire, je me délecte de l'entendre ânonner tout ce qui lui tombe sous les yeux, ne serait-ce que les ingrédients sur le pot de ketchup.  Mais surtout, j'aime qu'il me parle des livres que je lui aie donné et qu'il a lu.  Nos dialogues ressemblent un peu à ça.

-Pis, as-tu lu le livre que matante t'a donné?

-Oui!

-L'as-tu aimé?

-Oui!

-Un peu, beaucoup?

-Euh, oui!

-Quelle partie as-tu le plus aimé?

À voir la tête qu'il me fait dans ces moments-là, il est facile de savoir qu'il ne comprend pas le sens de ma question ou de toute autre variation cherchant à le faire parler de son appréciation de sa lecture.  Faut le comprendre!  Pour lui, tous les livres se ressemblent et ils sont tous bons, que voulez-vous, il en a si peu lu!  Ce qui ne va me faire renoncer à savoir son opinion, mais bon, va falloir attendre un peu avant qu'il soit capable de développer ses idées!

Quand on commence à lire, tous les livres sont bons ou mauvais, selon que l'on ait aimé ou non.  Tous.  Absolument tous.  Pourquoi?  Parce qu'on a aucun point de comparaison.  On est dans la découverte, dans l'exploration.  Ce n'est qu'après un certain temps que l'on vient à développer notre goût.  Un de mes profs au secondaire, spécialiste en cinéma, nous l'avait expliqué: toutes les astuces, tous les trucs pour suscité de l'émotion fonctionne toujours du premier coup avec quelqu'un qui ne les a jamais vu.  On aime l'effet ou non, c'est tout.  Par contre, il faut avoir du talent pour réinterpréter le truc face à des lecteurs qui ont déjà vu dix fois ce procédé, sans nécessaire les dépayser.

Et puis, il faut le dire, avec le temps, à force de lire, on finit par développer notre goût, tout comme un sommelier développe le sien en goûtant les vins.  On finit par savoir ce qui est bon, ce qui est moins bon, en développant notre propre système de critères.  Celui-ci sera élaboré à la fois par nos lectures et par notre contact avec d'autres lecteurs et leurs opinions.  Dynamique, ce système est en constante élaboration.  Personne n'aimera de la même façon une oeuvre à toutes les époques de sa vie.  D'ailleurs si c'est le cas, faut se poser des questions sur le vécu de la personne, parce que notre capacité à percevoir une oeuvre évolue toujours avec nous!

Avec le temps, on sera moins facilement surpris, étonné, transporté par des livres.  Cela n'est pas triste, au contraire, c'est normal.  Ce ne sont pas les livres qui sont moins bons, c'est nous qui avons grandit.  Il y a des choses qu'avec le temps on comprend mieux, d'autres choses que maintenant qu'on les connaît, on rejette plus facilement.  C'est notre appréciation qui change parce que l'on se connaît mieux et que l'on sait quoi chercher pour se faire plaisir.  Ce qui en divergera tombera dans le moins bon, peu importe que l'on soit capable de reconnaître les qualités littéraires de l'oeuvre ou non.  C'est ainsi que de nombreux critiques littéraires se sont plantés dans l'histoire devant une oeuvre qui ne correspondait pas à leurs grilles d'analyses et d'attentes: ce qu'on leur a proposé sortait de leurs schémas mentaux et donc, n'était pas bon.  On peut souvent se tromper dans le domaine.  Comme de quoi la meilleure façon de connaître la qualité d'une oeuvre reste le bon vieux passage du temps.

Parfois je rêve de redevenir une lectrice comme Neveu, facile à surprendre, facile à transporter et à être émerveillée.  Ce n'est plus mon cas depuis longtemps malheureusement.  Ce qui ne veut pas dire que je lise moins de bons livres, non.  J'en lis juste moins qui se démarquent des autres au point d'être à nouveau émerveillé comme à ma première lecture.

@+ Mariane

7 commentaires:

Gen a dit…

Euh, je suis pas d'accord avec toi sur un point : selon moi, oui, les livres qui sont capables de surprendre à la fois le nouveau lecteur ET le lecteur aguerri sont meilleurs que ceux qui ne satisfont que le nouveau lecteur (ou seulement le lecteur aguerri). Les autres ne sont pas à jeter à la poubelle, mais non, ils ne sont pas aussi bien faits/ conçus/ écrits, etc.

Prospéryne a dit…

Non, ils ne sont pas à jeter à la poubelle, ils sont autant d'essais imparfaitement réussis et bon, pour réussir un chef-d'oeuvre, il faut bien commencer par essayer. Et puis, on peut tirer beaucoup de plaisir d'un livre imparfait, la perfection n'est pas un but en soi après tout. :)

Gen a dit…

En effet, un livre imparfait peut donner beaucoup de plaisir. Mais il ne faut pas se cacher la tête dans le sable et dire que tous les livres sont aussi bons les uns que les autres.

Prospéryne a dit…

Ce qui me ramène à l'idée première de mon billet: au départ, on a pas les repères pour faire les distinctions, tout est blanc ou noir. Ensuite, on peut faire des nuances et trier le bon du moins bon. Développer son sens critique, ça prend du temps et de l'expérience!

Gen a dit…

Oui, tout à fait!

Venise a dit…

Je suis contente, je m'émerveille encore devant certaines lectures. Pas autant qu'avant c'est vrai, mais mon émerveillement a des raisons, avant il en avait point. J'étais aussi incapable de dire, pourquoi j'avais peu aimé que très aimé.
Devant un livre imparfait qui m'a captivé, je m'émerveille. En fait, je m'émerveille devant moi, la lectrice, autant que devant l'auteur.
Mon admiration devant les auteurs reste intact, comme un diamant, je crois que c'est éternel.

Prospéryne a dit…

Je crois qu'on se comprend bien Venise! :)