mercredi 6 novembre 2013

Lire doit rester un plaisir

Salut!

Je me le rappelle clairement.  C'était dans mes dernières semaines de libraire.  Une femme se présente en compagnie de son fils.  Elle était pleine de bonnes intentions.  Sauf qu'elle s'y prenait mal.  Je dépose un livre entre les mains de son fils et la voilà qui se lance, les doigts de celui-ci à peine en contact avec la couverture:

-Est-ce-qu'il-te-tente-ce-livre?-S'il-ne-te-tente-pas-tu-dois-me-le-dire,-hein?-On-en-trouvera-un-autre-avec-la-gentille-dame-de-la-librairie!-Tu-l'as-regardé-au-moins?-Il-faut-que-tu-le-regarde-pour-savoir-si-tu-l'aimes.-Il-te-tente-ce-livre?-S'il-te-tente-pas,-on-en-prendra-un-autre, hein?-Mais-prends-le-temps-de-le-regarder!-Ta-prof-dit-qu'il-faut-que-tu-lises-alors-on-va-acheter-un-livre,-mais-je-veux-que-tu-le-lises!-On-prendra-pas-un-livre-si-tu-le-liras-pas!

Ouf...  Avoir été cet enfant, j'aurais voulu mettre livres et mère à la porte de la librairie au bout de trente secondes (d'ailleurs c'était tentant de le faire)!  Pauvre petit!  Je le dis, mais sa pauvre mère lui mettais tant de pression...  avec une énorme bonne volonté pour lui.  D'ailleurs, sous la diarrhée verbale maternelle, le jeune garçon se réfugiait vers le proverbiale adage adolescent: Ouuaaaaaaaiiinnnn....  Pas trop engageant, mais pas trop repoussant en même temps, de façon à récompenser les efforts désespérés de sa mère.  Heureusement, à force d'user de psychologie, j'ai réussi à éloigner celle-ci un gros quatre minutes le temps qu'il lise trois quatrièmes de couverture et qu'il fasse son choix.  Mais aller dire à la mère bien intentionné qu'elle devait relâcher la vapeur le temps qu'il choisisse?  Impossible!  Portée par son élan maternelle, elle était tel un chevalier en croisade, pourchassant le dragon du non-lecturisme de son fils, oubliant pendant ce temps que le plus sûr chemin vers les bouquins pour son fils était le petit sorcier à lunettes caché dans un coin.  Car il cache dans les replis de sa cape, entre ses fioles de potion et sa baguette un secret que semble oublier les adultes...  Le plaisir.

Car il n'y a pas de meilleures potions magiques, de meilleures sortilèges, de meilleurs enchantements que d'aimer lire pour aller vers la lecture, quelqu'en soit la forme.  Aimer lire... C'est si simple et si complexe à la fois.  Une subtile alchimie que de donner le goût d'ouvrir un livre pour en savourer les merveilles.  Il n'y a pas d'autres méthodes.  Bien des chemins y mènent, selon la personnalité de l'enfant et ses goûts, mais reste qu'un seul lui permettra de perdurer: le plaisir.

Dommage que tant de gens, éducateurs, parents, et autres adultes bien intentionnés l'oublient, ne pensant qu'aux vertus pédagogiques de la lecture.  Pourtant, celles-ci ne sont rien sans le plaisir qui l'accompagne.

@+ Mariane

2 commentaires:

Gen a dit…

Lololol! J'ai vu la même mère dans les salons du livre je pense! ;)

Prospéryne a dit…

@Gen, misère...